vendredi 19 janvier 2007

Des Albatros aux Condors...


Punta Arenas - Puerto Williams - Uhsuaia
La Photo: L'inoubliable Canal de Beagle
Puerto Williams / Isla Navarino :

Durant les mois d'été le port vit dans l'attente, l'annonce puis l'arrivée des coups de vent et les avis de fermeture du port. Aux périodes de calme succèdent les jours la fureur des vents d'ouest fait blanchir le Canal de Beagle qui sépare la grande Ile de la Terre de Feu au nord de l'ile Chilienne de Navarino au sud.
Du Pub où j'écris, la radio branchée sur le canal 16, crachotte les messages des bateaux qui rentrent dans les eaux territoriales chiliennes. Ce sont d'énormes bateaux de croisières luxueux ou de simples et élégants voiliers, tous en route pour le Cap Horn ou l'Antartique. Il est 19h30 quand la nouvelle tombe, la préfecture maritime d'Ushuaia vient d'annoncer la fermeture du port et à 20h00 il en sera de même pour Puerto Williams. Il est vrai qu'on peut sentir de l'interieur même du Pub que dehors le vent souffle bien. Pour demain le temps s'annonce pire encore alors le bateau ne passera pas. Mais qu'importe finalement d'être bloqué ici par un avis de tempête, on est si bien au bout du monde.
Car m'y voilà , j'ai atteinds le bout du monde ici à Puerto Williams en face de la Terre de Feu. Sur l'ile vivent 2200 personnes dont 2000 environ á Puerto Williams et pour bonne moitié des militaires placés là pour surveiller la côte et entretenir l'activité locale.
De là, je me suis mis en route pour quelques jours dans le Cordon des Dientes de Navarino qui s'élèvent brutalement à plus de 1000 metres au dessus du Beagle. Le premier soir est à la fois frais et doux , le ciel est clair, je rêve et écris assis au près de mon petit feu. Le lendemain matin le temps est moins bon mais je me mets en route après une bonne nuit. Je quitte ce beau coin, baigné par un petit lac et si tranquille. Je m'engage sur le chemin qui s'apparente plus à un torrent qu'à un sentier mais en m'élevant un peu mon regard embrasse toute la vallée qui finie dans les eaux calmes du Beagle. Vers 12h j'apercois enfin le Paso de Los Dientes que j'atteinds 30 minutes plus tard après avoir traversé de beaux névés.
... De là j'ai du mal à y croire mais ça y est, il est bien là! Sous mes yeux , l'archipel du Cap Horn étale ses iles au loin en ayant pris soin de les envelopper d'une légere brume pour conserver les légendes et mystères qui l'entourent. Mes jambes en tremblent et je m'assoie, je ferme les yeux et je suis alors envahit d'un flot d'images et d'étranges sentiments... 4 mois de voyages et m'y voilà! Mais quel voyage! Tant de nuits depuis ces 2 derniers mois ou l'humidité vient prêter main forte au froid dèja piquant qui s'est instalé sous la tente, ces heures de stop désespérantes quand le prochain village est à 70 km et que rien ne passe depuis des heures ou que personne ne s'arrête, le soleil argentin qui m'assomme dejà à 8 heure du matin, ces routes trop longues qui semblent jamais n'en finir, tout ces repas trop rapides, assis sur les talons, luttant contre le vent et le froid, ces heures de marches sous la pluie qui finie par tout traverser, l'attente sous la tente trop petite, transformé en séchoir à linge à écouter l'averse qui redouble et le vent en furie. Ces jours ou la solitude est dure à vivre, ou le moral est au fond des chausettes et ou tout manque, la famille, les amis, les collègues et enfin les pires jours ou cette idée noire reussit à atteindre mon cerveau; remonter à Santiago, changer le billet d'avion et prendre le premier avion pour Paris!
Mais 4 mois d'un voyage si exhaltant, le bonheur de marcher le nez au vent, la maison sur le dos, marcher sans vraiment savoir ou mène la route et de quoi sera fait le lit de la prochaine nuit, soirées superbes, nuits australes ou ciel noir remplit d'un nombre infini d'étoiles. Ce petit cadeau au détour d'un chemin quand je découvre l'endroit parfait, un écrin de verdure pour moi et ma tente avec une vue merveilleuse et bien caché du monde. Chaque jour se remettre en route, ouvert aux nouvelles aventures que la providence voudra bien m'offrir. Bonheur tout simple encore de faire un petit feu le soir ou s'accroupir au bord d'un ruisseau pour boire son eau pure et fraiche. Marches du petit matin, ciels immenses, couchers de soleil incroyables et puis surtout, ces portes qui s'ouvrent pour m'inviter, tout ces gens qui ont pris soin de moi, rencontres inoubliables, l'échange, le partage, repas offerts si simplement, barbecues gargantuesques, tous ces encouragements... la vie, simplement et pleinement! Non je ne retournerais pas à Santiago avant la date prévue, la route de mes rêves est encore longue et je sais qu'elle à tant à m'offrir.
En attendant je reste là, les yeux humides, face à mon Cap Horn!
Le lendemain un fort vent de face, glacé m'en fait baver mais du Paso Ventaron la vue en vaut la peine, l'ouest de l'ile et ses sommets enneigés entourés d'un nombre incroyable de lacs. Au sud, aù delà de la Bahia Nassau, la péninsule de Hardy et le faux Cap Horn. En marchant sur le Paso je touche le 55ème Sud et le voyage n'ira pas plus bas, il faut maintenant remonter vers le nord. Or j'ai, pour d'obscures raisons, du mal à repartir d'ici et faire route au Nord, quelque chose d'étrange me rends difficile la traversée du Beagle pour rejoindre Ushuaia! J'ai peut-être trop marché vers le sud? Et puis je me sens bien ici, c'est un endroit reposant, loin de l'agitation touristique qui règne dans le secteur, les gens sont très accueillants, il y a peu de voitures et j'aime à marcher le long du canal qui change sans cesse d'état. En face, l'Argentine et cette belle cordillière boisée qui a blanchit aujourd'hui après d'importantes chutes de neiges. Il y a aussi de bonnes rencontres à faire du coté du Club de Yates ou sont amarrés les voiliers sur la route du sud: Jeunes familles souriantes, vieux loup de mer crasseux, riches australiens, japonais solitaire et tatillon ou fameux navigateur. Tous empreintent le sillage prestigieux de Peter Blake et Eric Tabarly qui sont passés par ici.
Sur cette ile petite et calme il n'y a pas tant à faire mais j'ai l'impression que si je m'écoutais je trouverais assez de prétextes pour y rester 1 mois.
Mon coté sédentaire reprendrait-il le dessus? 55ème Sud, creux de la vague?

Je repartirais finalement quelques jours plus tard avec le Patriota, un petit bateau de pêche, presque 2 semaines après être arrivé ici de Punta Arenas avec le Bahia Azul, au cours d'une navigation dont je ne peux m'empecher de vous liver quelques extraits:
Pour faire 36 heures de navigation délicate à travers les canaux on pourrait s'attendre à un bateau digne de ce nom mais c'est finalement plutôt un bac et pas bien gros avec ça qui s'apprete à affronter les puissantes rafales qui balayent le légendaire détroit de Magellan devant Punta Arenas. Malgré un temps à ne pas mettre un breton dehors nous partons comme prévu à 18h30 et jusqu'à ce que la nuit tombe vers 23h30 le pauvre bateau lutte contre le vent et craque de toutes ses membrures quand il tombe dans les creux. La mer n'est pas si formée car nous sommes dans le détroit mais ce vent! Par moment des colonnes d'embruns remontent dans les airs et j'ai sous les yeux une mer d'une blancheur incroyable. C'est donc un peu après que la nuit soit tombée que nous passons par tribord l'extremité sud de la péninsule de Brunswick et nous laissons alors le Détroit remonter Nord-Ouest pendant que nous continuons plein sud en contemplant une magnifique lune pleine et rousse qui s'échappe lentement des nuages. Là commence la navigation délicate dans les canaux. Les moteurs ralentissent et nous glissons sur ces eaux désormais plus tranquilles guidés par les faibles feux qui jalonnent les canaux. C'est alors des heures magnifiques entre ces iles inombrables et sauvages, escortés par des dauphins et des albatros. Dans ce qui semble être des fjords sans issue, le capitaine nous mène toujours avec assurance vers une porte de sortie surprenante qui s'ouvre sur un autre défilé...
Nous arrivons á Puerto Williams au petit matin, fourbus mais avec au fond des yeux des images qui ne s'effaceront jamais.
15 jours plus tard donc, le passage vers Ushuaia s'est fait lui dans une "mer" ( je parle bien du Canal de Beagle) franchement forte. Le petit bateau rouge tapait fort dans les creux et nous étions la plupart du temps enveloppés dans les paquets d'embrums que nous faisions jaillir et qui recouvrait notre frêle esquif. En regardant le petit pont arrière depuis la fenêtre je me serais cru dans les plus épiques des reportages de Thalassa sur les pêcheurs en mers d'Irlande pris dans les dépressions hivernales de l'atlantique nord.
Mais c'est bien l'été ici et les terres comme les mers australes semblent bien se moquer des mois et des saisons.
En guise de conclusion car je n'en trouve pas, je me permet, pour ceux que j'aurais reussi à faire rêver un peu du sud, de soumettre cette petite liste des livres qui m'en ont fait rêver:
De Luis Sepulveda: "Le Monde du bout du monde" et "Le neveu d'Amérique"
De Francisco Coloane: "Le Passant du bout du monde", "Cap Horn" et "Tierra del Fuego"
Enfin pour ceux qui rêvent des canaux de Patagonie, le magnifique carnet de voyage de:
Gildas Flahault - "Je me souviens des hommes... du Cap Horn à Valparaiso"
Bonne lecture...
De mon coté, je devrais repartir d'Uhsuaia dans quelques jours pour remonter vers Punta Arenas en traversant la Terre de Feu. De là je me mettrais à la recherche d'un bateau pour Puerto Montt. A dans 15 jours donc, un peu plus au nord!
Portez vous bien
Benoit

5 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Captivant ton récit, Benoît ! contre vents et marées, entre ravissement et découragement tu as touché un bout de ton rêve, le Cap Horn, maudit des marins... un voyage tout en paradoxes... mais que de belles images imprimées dans ta tête !
gros bisous et garde le cap !!!
Véronique

8:09 AM  
Anonymous Anonyme said...

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage
Ou comme celui-là qui conquit la Toison,
Et puis est retourné plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge!

Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est une province et beaucoup davantage?

Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux,
Que des palais romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine.

Plus mon Loire gaulois que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré que le mont Palatin,
Et plus que l'air marin la douceur angevine.

Joachim du Bellay (1522-1560)

Tu vois Benoît, j'habite à coté de Liré d'où est originaire du Bellay et je t'envoie ces vers qui traduisent la nostalgie du voyageur que tu es. On le reflexe facile, assis au chaud et auprès des notres, de dire que tu as de la chance de voyager, mais souvent il est dur de s'expatrier. Et bien saches que non seulement tu nous fais découvrir une partie du monde, mais aussi une certaine réalité de la vie. L'importance de la passion que nous devons garder pour réaliser nos rêves, l'envie de partager, l'ouverture d'esprit etc... Rien ne sera comme avant ton départ, tout sera mieux. Tiens le coup mon ami, je pense à toi, continue la grande aventure, elle vaut la peine.

11:14 AM  
Blogger benoit said...

Merci bien, lecteur anonyme, pour ces vers sont effectivement tout à fait à propos.

5:14 PM  
Anonymous Anonyme said...

Salut Benoît et plein de pensées amicales et chaleureuses en ce début d'année qui, au travers de ton dernier message,semble un peu difficile....Mais un voyage comme le tien ne peut être un "long fleuve tranquille!!"Tiens le coup tant que tu ne t'envoles pas avec les bourrasques de vent!!Le message que tu nous transmets est tellement riche que tu ne peux t'arrêter en route!!!!Courage et bonne continuation, Marie Cadier-Pont

3:06 PM  
Anonymous Anonyme said...

bonjour l'aventurier...j'ai eu ton blog par tes parents, j'suis clemence la soeur de louis...ca ne doit pas trop te parler, mais j'voulais juste te souhaiter une belle fin de trajet. merci de partager...

9:01 PM  

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