lundi 20 novembre 2006

des rencontres, encore des rencontres et deux belles randos.


Constitution - Chanco - Tregualemu - Quirihué - Conception - Tucapel - Antuco - Los Angeles - Curacautin - Malalcahuello.

Mon voyage continue donc à être une sorte de rêve éveillé qui distille au compte goutte des rencontres inoubliables et des paysages fabuleux. Ma belle route longe le pacifique et rebondit sur des collines verdoyantes avec d'immenses forêts d'un coté et l'océan de l'autre, l'océan qui étale son bleu intense à perte de vue.
Les rencontres n'ont pas manquées, au point parfois de me faire oublier que je voyage seul.
Il y a d'abord eut Neil, l'américain cinquantenaire à vélo qui, lui aussi, voyage en prenant son temps. Le hasard l'a mis sur ma route à 5 jours et 200km d'intervalle. Les deux fois ce fut le même plaisir de partager le thé à la lueur d'une bougie, discutant voyage sous le ciel étoilé.
Un peu plus loin, Fernando, le garde forestier me sort de l'impasse sur une route décidément bien peu fréquentée. En prime je gagne un dîner chez Max, un écrivain Chilien qui cuisine pour nous ce soir ; un barbecue de la mer en habits de grand chef parisien. La maison, presque aussi surprenante que son propriétaire, domine un à-pic impressionnant sur le pacifique qui rougit des dernières lueurs du jour.
Jorge lui est ingénieur agronome et l'Etat le charge de débusquer, dans les plantations de fraises, les insectes aux mauvaises intentions. Lui aussi s'est trouvé par deux fois sur ma route (ou moi sur la sienne, c'est selon!) et la seconde fois, je me suis retrouvé chez sa cousine pour partager un délicieux poulet avec toute la famille.
Erwin et Miguel sont eux deux jeunes commerciaux atypiques et entreprenants qui vendent du petit mobilier. Ils m’ont invités à passer la soirée chez eux après m'avoir pris en stop dans leur combi WV. Nous piquons une tête dans la rivière voisine puis je fais connaissance avec les autres jeunes du village au cours d'une partie de foot mémorable!
Puis il y a eut Alvaro, l'apiculteur descendant de basque, Daniel, ravi de pratiquer son français appris à Paris dans les années 70 au service du Baron Empin! Enfin cet homme qui remontait sur Santiago et qui m'a carrément laissé sa maison de vacances avec pour seule consigne de remettre la clef sous le tas de bois.
A Conception ma route quitte la côte, file à l'Est et retrouve la Cordillière, laissée entre Mendoza et Santiago un jour d'Octobre. Je la retrouve ici, un peu plus basse, plus accessible et surtout ... volcanique. J'attaque demain le tour du volcan Antuco et à voir les couleurs dont il se pare ce soir, ça promet d'être quelque chose. Ma rando sera finalement écourtée par d’épaisses couches de neige et le mauvais temps qui menace. Mais en un jour et demi, le volcan m'aura offert des paysages fabuleux; la traversée d'un champ de lave et ces petites pierres rouges, noires et jaunes, la nuit dans un cirque aux pentes abruptes desquelles s'échappait 1000 cascades. Ce réveil au petit matin et le soleil qui allume un à un des feux sur la crête. Enfin la vision splendide du cône quasi parfait du volcan éclairé par la lueur rose et timide du soleil levant. La pluie qui menaçait finie par tomber mais c'est au tour de Ruth et de sa petite famille de m'ouvrir leur porte. La pluie, loin de cesser, redouble, tambourinant le toit en tôle ondulée. Une fois assuré qu'un seau se trouvait bien sous chaque fuite (qui ne manquent pas) nous mangeons de délicieuses saucisses, groupés autour du poêle en regardant la pluie tomber par la fenêtre.
Le sud doit commencer ici, ou plutôt, la vision que je m'en faisait est là sous mes yeux. C'est un petit village tranquille qui porte le joli nom de Malalcahuello (Essayez vous verrez ça sonne bien. Ma-lal-cahué-yo). Derrière la vielle gare désaffectée, une prairie de cette herbe courte et jaunie par la neige, le vent, le froid et le soleil danse aujourd'hui sous les caresses d'un courant d'air. Au delà, des petites maisons multicolores aux toits pointues se serrent les unes contre les autres dans l'étroite vallée. C'est donc d'ici que partira ma deuxième randonnée qui vient se frotter à un autre volcan, magnifique lui aussi, le Lonquimay. A la différence du précèdent, il est lui entouré d'une épaisse forêt d'Araucarias, le conifère local au dimensions impressionnantes à côte duquel, nos plus beau pins maritimes aurait l'air d'allumettes. Cette forêt, baignée de soleil, révèle un nombre incroyable de nuances de verts et s'ouvre de temps en temps pour offrir un joli panorama sur le volcan. Là aussi, un lever au petit matin pour pouvoir contempler cette lumière qui augmente doucement pendant qu'une fine brume flotte, légere au dessus du village comme un voile couvrant les derniers instants du sommeil des hommes.
Quel bonheur que ces journées entières passées dehors jusqu'a voir, le soir, la limite de l'ombre et de la lumière remonter lentement la montagne comme on tournerait la page d'un superbe livre d'images...
Pour terminer un grand merci pour tout vos commentaires qui me font bien plaisir et qui m'accompagnent ici comme une compagnie discrète et légère posée sur mon épaule...

dimanche 5 novembre 2006

Changement de décor...



Mendoza-Santiago-San Antonio-Lago Rapel-Pichilemu-Bucalemu-Boyerucca-Llico-Douao-Constitution.
Depuis la fenêtre la nuit tombe lentement sur Santiago. Les lumières s´allument une à une et la Plaza d’Italia qui s’agite bruyamment semble ne pas se rendre compte que la journée s’achève... Sous mes yeux, cette même agitation, ces bus fous qui passent sur le boulevard à des allures impressionnantes, ces bruits de klaxons, ces piétons qui courent pour éviter ces quatre voitures qui déboulent de front.... Et pourtant, je me sens bien ici.
Santiago, fin du voyage pour les avions de l’Aéropostale il y a encore quelques dizaines d’années... et je me prends à rêver de Mermoz, atterrissant à quelques kilomètres d’ici, le visage gelé par une rude traversée des Andes..., des gars qui déchargent les sacs de courrier, St Exupery, caressant la carlingue de son Latécoère avant de repartir pour Buenos Aires, Natal, Recife, St Louis et enfin Toulouse... En cherchant bien, je me demande si ces lectures ne sont pas les premières qui m’ont appelée ici... Santiago!
Mais je m’égare et la serveuse qui m’apporte mes empanadas se charge de me tirer de ma rêverie.
Pour la énième fois depuis le début de mon voyage, je sors la carte de la poche droite de mon pantalon et l’étale sur la table à la recherche d’un point de chute pour commencer la descente vers le sud. Ceux avec qui j’en ai parlé savent à quel point cette descente vers la Terre de Feu m’a fait rêver et a nourri mon imagination pendant toutes ces années.
C’est à San Antonio que je saute du bus, saisi mon sac et me mets en route. Mais quel choc! Une bonne brise marine me claque le visage comme un vieux copain me taperait sur l’épaule pour m’inviter à marcher un peu. L’air est vif et frais, le ciel rempli de ces cumulus de beau temps et, au delà des bassins du port et des brises lames, l’horizon dégagé me laisse apprécier la courbure de la terre. Le port s’agite et j’adore cette ambiance ; des grues s’affairent pour décharger des tonnes de sable du Giant of the Sea, l’Atlantic Morning qui fait relâche ici se charge lui de je ne sais quoi, mais voila deux remorqueurs qui sortent du port à vive allure, un porte-contenaires est à l’approche...
De l’autre côté du bassin, les mouettes s’agitent et on discute ferme sur les prix de la dernière pêche. Les marins fourbus, charrient des caisses multicolores pendant que deux vieux fument leurs pipes en devisant… Qu’il est bon cet air frais du large, je sors ma polaire de mon sac avec plaisir et me trouve un coin pour grignoter mon pic nique en contemplant cette joyeuse agitation…
C’est donc ici que commence ma longue route vers le sud et tout ces noms qui résonne dans ma tête comme autant d’appel au voyage… Puerto Montt, Castro, Chiloé, Le Golfes de Peñas, Le Canal de Messier, Punta Arenas, le Detroit de Magellan...
Sur la route qui sort de la ville, quatre hommes discutent devant une épicerie, le propriétaire de la boutique est assis sur un tabouret sous son enseigne tandis que les autres sont là, debout, bras croisés ou décrivant d’impossibles formes avec leurs mains. Mon passage fait s’arrêter tout ce manège et après les avoir doublés, je les entends qui m’appellent. Je me retourne, fais quelques pas en arrière et me retrouve parmi eux. Aussitôt les visages s’illuminent et on me prie d’accepter la meilleure place, celle sur le tabouret. On me prie de raconter d’où je viens et où je compte aller. L’un d’eux est particulièrement expressif et reprend en coeur, en se tapant sur la jambe, une réponse sur deux. Pour ne pas que ma gorge s’assèche et écourte le récit, on m’offre une bouteille d’eau sortie des frigos de l’épicerie. Quand j’ai vu leurs yeux au moment d’annoncer ma destination finale, j’ai bien compris que je n’étais pas le seul à rêver de la Terre de Feu. Ca aurait pu s’arrêter là et rester une rencontre comme pas mal d’autres mais à peine avais-je fini mon histoire que la situation c’est inversée. Et voila mes quatre bonhommes qui se mettent à me raconter un voyage, celui d’Eric, un autre français, à vélo celui là. Il a lui aussi posé ses fesses sur ce tabouret, voila un an tout juste et a passé deux jours avec eux ici. Les meilleures étapes de son tour de l’Amérique du sud me sont rapportées pour mon plus grand bonheur... Presque hors d’haleine, ils finissent… et il vient d’arriver à Buenos Aires, la fin de son voyage… J’en ai pris plein les yeux!
Aucun doute, ils en sont fans de cet Eric, le français à vélo. Moi je repars en marchant bien content de cette bonne pause et eux ont l’air ravis, ils ont fait deux beaux voyages devant l’épicerie cet après midi.
Je remets mon sac sur mes épaules après l’avoir posé quelques jours à Pichilemu. Cette ville n'est pas la capitale du surf chilien pour rien. La vague y est terriblement efficace, et je dois reconnaître que malgré deux jours d’acharnement, je n’ai pas trouvé l’entrée. Cette vague magnifique est du genre puissante et très rapide, un peu trop pour moi. Je réessayerais sûrement sur le chemin du retour car une fois dedans, ça a l’air vraiment très bon. Je remets donc mon sac sur mes épaules, en pleine forme après cette petite pause. Ma route longera la côte jusqu’a Conception. Sur le chemin encore beaucoup de rencontres et deux jours dans une famille charmante qui m’invite dans sa maison pour les fêtes de la toussaint. En repartant, ils m’offrent un merveilleux cadeau en m’indiquant un raccourci par les collines pour rejoindre ma prochaine étape. Cette piste forestière s’avère être une des plus belles que j’ai faite jusqu’a aujourd’hui. On s’élève peu à peu du village qui se trouve au niveau de la mer, ça monte dur mais si on prend le temps de se retourner, ça vaut le coup... Derrière moi, la lagune de Boyerucca s’étale, paisible et magnifique entre les collines boisées et la dune qui la sèpare de l'ocèan. Elle se prolonge par une zone de marais salant. A ma gauche, l’océan Pacifique envoie une jolie petite houle qui se brise à mes pieds. L’horizon est immense et les couleurs splendides malgré un ciel couvert. De l’autre côte, s’étend une plaine vallonnée et verdoyante au bout de laquelle apparaissent au loin, massifs et couverts de neige, les sommets andins…
Je marche entre la cordillère et le pacifique!