Changement de décor...

Mendoza-Santiago-San Antonio-Lago Rapel-Pichilemu-Bucalemu-Boyerucca-Llico-Douao-Constitution.
Depuis la fenêtre la nuit tombe lentement sur Santiago. Les lumières s´allument une à une et la Plaza d’Italia qui s’agite bruyamment semble ne pas se rendre compte que la journée s’achève... Sous mes yeux, cette même agitation, ces bus fous qui passent sur le boulevard à des allures impressionnantes, ces bruits de klaxons, ces piétons qui courent pour éviter ces quatre voitures qui déboulent de front.... Et pourtant, je me sens bien ici.
Santiago, fin du voyage pour les avions de l’Aéropostale il y a encore quelques dizaines d’années... et je me prends à rêver de Mermoz, atterrissant à quelques kilomètres d’ici, le visage gelé par une rude traversée des Andes..., des gars qui déchargent les sacs de courrier, St Exupery, caressant la carlingue de son Latécoère avant de repartir pour Buenos Aires, Natal, Recife, St Louis et enfin Toulouse... En cherchant bien, je me demande si ces lectures ne sont pas les premières qui m’ont appelée ici... Santiago!
Mais je m’égare et la serveuse qui m’apporte mes empanadas se charge de me tirer de ma rêverie.
Pour la énième fois depuis le début de mon voyage, je sors la carte de la poche droite de mon pantalon et l’étale sur la table à la recherche d’un point de chute pour commencer la descente vers le sud. Ceux avec qui j’en ai parlé savent à quel point cette descente vers la Terre de Feu m’a fait rêver et a nourri mon imagination pendant toutes ces années.
C’est à San Antonio que je saute du bus, saisi mon sac et me mets en route. Mais quel choc! Une bonne brise marine me claque le visage comme un vieux copain me taperait sur l’épaule pour m’inviter à marcher un peu. L’air est vif et frais, le ciel rempli de ces cumulus de beau temps et, au delà des bassins du port et des brises lames, l’horizon dégagé me laisse apprécier la courbure de la terre. Le port s’agite et j’adore cette ambiance ; des grues s’affairent pour décharger des tonnes de sable du Giant of the Sea, l’Atlantic Morning qui fait relâche ici se charge lui de je ne sais quoi, mais voila deux remorqueurs qui sortent du port à vive allure, un porte-contenaires est à l’approche...
De l’autre côté du bassin, les mouettes s’agitent et on discute ferme sur les prix de la dernière pêche. Les marins fourbus, charrient des caisses multicolores pendant que deux vieux fument leurs pipes en devisant… Qu’il est bon cet air frais du large, je sors ma polaire de mon sac avec plaisir et me trouve un coin pour grignoter mon pic nique en contemplant cette joyeuse agitation…
C’est donc ici que commence ma longue route vers le sud et tout ces noms qui résonne dans ma tête comme autant d’appel au voyage… Puerto Montt, Castro, Chiloé, Le Golfes de Peñas, Le Canal de Messier, Punta Arenas, le Detroit de Magellan...
Sur la route qui sort de la ville, quatre hommes discutent devant une épicerie, le propriétaire de la boutique est assis sur un tabouret sous son enseigne tandis que les autres sont là, debout, bras croisés ou décrivant d’impossibles formes avec leurs mains. Mon passage fait s’arrêter tout ce manège et après les avoir doublés, je les entends qui m’appellent. Je me retourne, fais quelques pas en arrière et me retrouve parmi eux. Aussitôt les visages s’illuminent et on me prie d’accepter la meilleure place, celle sur le tabouret. On me prie de raconter d’où je viens et où je compte aller. L’un d’eux est particulièrement expressif et reprend en coeur, en se tapant sur la jambe, une réponse sur deux. Pour ne pas que ma gorge s’assèche et écourte le récit, on m’offre une bouteille d’eau sortie des frigos de l’épicerie. Quand j’ai vu leurs yeux au moment d’annoncer ma destination finale, j’ai bien compris que je n’étais pas le seul à rêver de la Terre de Feu. Ca aurait pu s’arrêter là et rester une rencontre comme pas mal d’autres mais à peine avais-je fini mon histoire que la situation c’est inversée. Et voila mes quatre bonhommes qui se mettent à me raconter un voyage, celui d’Eric, un autre français, à vélo celui là. Il a lui aussi posé ses fesses sur ce tabouret, voila un an tout juste et a passé deux jours avec eux ici. Les meilleures étapes de son tour de l’Amérique du sud me sont rapportées pour mon plus grand bonheur... Presque hors d’haleine, ils finissent… et il vient d’arriver à Buenos Aires, la fin de son voyage… J’en ai pris plein les yeux!
Aucun doute, ils en sont fans de cet Eric, le français à vélo. Moi je repars en marchant bien content de cette bonne pause et eux ont l’air ravis, ils ont fait deux beaux voyages devant l’épicerie cet après midi.
Je remets mon sac sur mes épaules après l’avoir posé quelques jours à Pichilemu. Cette ville n'est pas la capitale du surf chilien pour rien. La vague y est terriblement efficace, et je dois reconnaître que malgré deux jours d’acharnement, je n’ai pas trouvé l’entrée. Cette vague magnifique est du genre puissante et très rapide, un peu trop pour moi. Je réessayerais sûrement sur le chemin du retour car une fois dedans, ça a l’air vraiment très bon. Je remets donc mon sac sur mes épaules, en pleine forme après cette petite pause. Ma route longera la côte jusqu’a Conception. Sur le chemin encore beaucoup de rencontres et deux jours dans une famille charmante qui m’invite dans sa maison pour les fêtes de la toussaint. En repartant, ils m’offrent un merveilleux cadeau en m’indiquant un raccourci par les collines pour rejoindre ma prochaine étape. Cette piste forestière s’avère être une des plus belles que j’ai faite jusqu’a aujourd’hui. On s’élève peu à peu du village qui se trouve au niveau de la mer, ça monte dur mais si on prend le temps de se retourner, ça vaut le coup... Derrière moi, la lagune de Boyerucca s’étale, paisible et magnifique entre les collines boisées et la dune qui la sèpare de l'ocèan. Elle se prolonge par une zone de marais salant. A ma gauche, l’océan Pacifique envoie une jolie petite houle qui se brise à mes pieds. L’horizon est immense et les couleurs splendides malgré un ciel couvert. De l’autre côte, s’étend une plaine vallonnée et verdoyante au bout de laquelle apparaissent au loin, massifs et couverts de neige, les sommets andins…
Je marche entre la cordillère et le pacifique!
9 Comments:
salut mon neveu !
toujours aussi prenant le récit de ton épopée... profite à fond de tout ce que tu vois, des gens que tu rencontres, c'est tellement enrichissant ! merci beaucoup d'avoir pris du temps de m'écrire une petite carte. gros bisous et continue ta route....
Véronique
buenos dias amigo !
tu vois j'adopte la Ben attitude, je bosse au mieux mon espagnol pour Barcelone l'année prochaine. C'est moins glorieux que le chili, mais c'est moins loin et c'est pour le boulot. En tous les cas, je vais finir par n'avoir pas de truc assez passionnants à te raconter face à tes récit toujours aussi beaux. Ne te lasse pas de nous écrire et profites de ton périple. Yves-Marie
Tout comme ces 4 hommes fans de cet Eric, tu viens de trouver une nouvelle fan.
Je n'avais pas pris le temts de consulter ton blog à ce jour. OH quelle surprise, tu as un réel talent d'écrivain (superbes déscriptions). C'est magnifique. Je m'en suis pris plein la tête.Tu m'as réellement fait voyager.
Je suis heureuse de voir que tout va bien pour toi et que ce rêve tant attendu s'avère grandiose.
A présent la lecture de ton épopée va être une de mes priorités.
Profites en à 100%.
Bénédicte
C'est grâce à un certain Manu M. que j'ai découvert le récit de vos aventures. Votre récit est magnifique. Ca donne vraiment envie de vous rejoindre. Continuez a nous faire rêver, bon courage dans votre voyage.
Dom
Salut Benoit !
Visiblement ca voyage dur, et pas seulement sur les routes andines !(Reste sobre !!!) Nous sommes tous accrocs de tes récits et trés fiers de faire parti de ton aventure. (P.S. j'ai bien fait suivre le petit mot semitanien) Bonne route
Manu
Salut Benoît,
un petit bonjour d'un de tes collègues (wattman), on s'est croisé plusieurs fois. Je te souhaite vraiment beaucoup de courage dans tes fabuleuses aventures, profites à fond des paysages grandioses que tu vas rencontrer, et maintenant que tu nous a emmené dans ton rêve, on te suivra sur ton blog avec simplicité et humilité !
Saâd.
Salut à toi p'tit voyageur.
grace a tes textes, nous avons l'impression que nos bus & tram vont bien plus loin que d'habitude, ça fait de sacré longueurs de lignes !
continue de nous faire rever !!!
Hello Benoit,
Ravi de découvrir tes aventures dans l'autre hémisphère, dans un autre monde. J'ai l'impression que tu réalise exactement ce dont tu rêvais, et j'espère sincerement que tu es encore loin d'avoir fait le plein de sensations...
Eclate-toi, tu vis sans doute quelque chose d'unique.
A plus !
Christophe R. PCC
Je découvre ce soir ton blog et j'ai pris le temps de tout lire, depuis ton départ.
MERCI Benoît ! C'est un plaisir de te suivre ainsi ; tu nous fais rêver...
Bon vent et à bientôt pour la suite de tes aventures !
Izabelle L
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